Selon la Cour d’appel de PARIS, il existe bien un lien de subordination et donc un contrat de travail entre la plateforme UBER et l’un de ses chauffeurs (CA PARIS, 10 janvier 2019).
En l’espèce, un chauffeur signe un contrat de partenariat avec UBER et son compte est désactivé quelques mois plus tard.
Il saisit le CPH, sollicite la requalification de son contrat de partenariat en contrat de travail et demande ses indemnités de rupture sur le fondement du Code du travail.
Le CPH juge que la relation entre les parties est de nature commerciale et se déclare incompétent au profit du tribunal de commerce.
La Cour d’appel de PARIS infirme cette décision et juge que plusieurs indices de la plateforme UBER permettent de caractériser l’existence d’un lien de subordination :
- La plateforme centralise toutes les demandes de prestations de transport et les attribue, en fonction des algorithmes de son système d’exploitation à l’un ou l’autre de ses chauffeurs
- Le chauffeur ne peut se constituer une clientèle propre car il lui est interdit par la Charte de l’entreprise :
- Pendant l’exécution d’une course : de prendre en charge d’autres passagers en dehors du système Uber
- A la fin d’une course : de garder les coordonnées des passagers pour une prochaine course éventuelle
- Les tarifs sont contractuellement fixés au moyen des algorithmes de la plateforme
- La plateforme impose un itinéraire au chauffeur. L’article 4.3 du contrat prévoit une possibilité d’ajustement du tarif en cas d’itinéraire « inefficace »
- Le chauffeur n’a aucun pouvoir de décision
- Le chauffeur reçoit des directives comportementales notamment sur le contenu des conversations à éviter, l’obligation de refuser les pourboires ce qui est peu compatible avec l’exercice indépendant la profession
- La plateforme contrôle l’activité des chauffeurs : au bout de trois refus de sollicitation, la plateforme adresse un message au chauffeur et se réserve le droit de désactiver son compte
- Les chauffeurs sont géolocalisés en permanence et les données recueillies sont analysées par UBER
- UBER exerce un pouvoir de sanction sur les chauffeurs pouvant aller jusqu’à l’exclusion définitive de l’application.
Selon la Cour d’appel, ces indices permettent de démontrer que le chauffeur qui se connecte à la plateforme UBER intègre un service organisé et que l’entreprise lui donne des directives, en contrôle l’exécution et exerce un pouvoir de sanction.
Par conséquent :
- La présomption de non-salariat de l’article L. 8221-6 est renversée
- Le chauffeur est lié à la plateforme par un contrat de travail
- Le CPH est compétent. L’affaire lui est donc renvoyée
Cette décision s’inscrit dans le droit fil de la jurisprudence de la Cour de cassation rendue au sujet des livreurs à vélo (voir notre newsletter de décembre 2018).
Le gouvernement entend mettre fin à cette jurisprudence et a prévu à l’article 20 du projet de loi Mobilité que l’établissement par de telles plateformes d’une charte et le suivi de leur respect ne sauraient caractériser un lien de subordination.
Sur ce point, le Conseil constitutionnel a déjà censuré une telle disposition que le Gouvernement avait tenté d’introduire dans la loi Avenir Professionnel du 05 septembre 2018 estimant qu’il s’agissait d’un « cavalier » législatif.
A suivre donc !